Éditions Douro "Par la lecture, on s'absente de soi-même et de sa propre vie." Alphonse Karr
Éditions Douro "Par la lecture, on s'absente de soi-même et de sa propre vie." Alphonse Karr
Eric Tessier
Eric Tessier est né à Chatou, patrie des fauves. Il a publié 25 livres (romans, recueils de nouvelles, biographies musicales), fondé et dirigé la défunte revue littéraire La Nef des Fous, les éditions du même nom, ainsi que Nos éditions Folles. Si la littérature a toujours été son théâtre de prédilection, il a aussi œuvré dans d’autres domaines – ce n’est pas pour rien que, le jour de sa naissance, le tout-Chatou s’est déplacé : le cinéma en tant que producteur de films underground et la radio avec l’émission Place Aux Fous sur Radio libertaire.
Après L’extase du prédateur, voici le second volet des aventures de Monsieur. Les années clandestines raconte une des voies possibles que le peuple français aurait pu emprunter en 1789 et dans les années qui ont suivi si les aliénés du pouvoir, politique et économique, ne l’en avaient empêché. « La bourgeoisie savait bien ce qu’elle voulait », dit Pierre Kropotkine dans son livre de 1909, La grande révolution. Il s’agissait de prendre la place de la monarchie pour asservir à son compte les Français. Les années clandestines, c’est cet instant de suspens où tout peut encore basculer dans une véritable révolution. Le moment où l’anarchie peut exister. Il est question ici de la vraie anarchie, pas de la pitoyable caricature qu’on en livre communément. Alors, Les années clandestines : livre politique ? Oui, absolument. Livre d’espoir ? Oui, même si le récit raconte un échec. Mais, cent fois sur le métier, remets ton ouvrage. Livre subversif ? Oui, certainement, c’est là son but. Livre d’aventure ? Oui, évidemment, héritier qu’il est de la grande époque des romans-feuilletons. Livre érotique ? Oui, sans aucun doute. Érotique comme l’était le Divin Marquis. Livre de libération ? Oui dans la mesure où, au travers dudit érotisme, il s’attaque aux schémas classiques des rôles traditionnellement attribués à l’un et l’autre sexe – loin, bien loin d’un catalogue de fantasmes sexuels. Livre de combat ? Oui, définitivement. Chaque mot a été écrit avec une plume trempée dans la nitroglycérine afin que, s’il en reste quelque chose, il soit toujours aussi dangereux dans l’avenir que lors de son écriture. Dangereux et détesté de tous les pouvoirs. Irrécupérable. À jamais.
Parution : 1 mai 2023
Brûlot incendiaire, lors de sa première parution en 2006, ce livre fut brûlé. Au sens premier du terme. Réduit en cendres par les flammes qu’avait allumées quelque esprit troublé par ce qu’il y avait lu. Présence maléfique pour une femme que Monsieur, le personnage central de ce texte. Incarnation du mal si insupportable que, seul, le feu pouvait détruire. Ou tenter de détruire. Car ce texte, le voici à nouveau, toujours vivant, revigoré. L’extase du prédateur, « un kaléidoscope ultraviolent burgesso-sadien, option Wittkop quand il n’est pas d’essence lautréamontesque » comme l’avait écrit un critique à l’époque, renaît de ses cendres. Si le feu concret provoqué par la main craquant l’allumette pour détruire les pages s’est éteint, celui, intérieur, du texte, continue sa flambée, inexorable. Insoumis. Fier d’avoir subi – et vaincu – l’autodafé. Combien de textes contemporains en ont-ils été victimes ?
Parition : 1 avril 2021