Éditions Douro           "Par la lecture, on s'absente de soi-même et de sa propre vie." Alphonse Karr


 Romans, essais, biographies, recueils de poésie, de contes ou de nouvelles, pièces de théâtre... 
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Anna Maria Celli

Anna Maria Celli

Après des études de philosophie et de lettres, Anna Maria Celli se consacre à l’écriture, notamment la poésie. Auteure de romans, de pièces de théâtre, et maintenant de nouvelles, elle prolonge également le trait de son écriture dans des livres d’artiste et diverses compositions où le mot est à la fois image, récit, dialogue, traversée de l’existence. L’une de ses pièces, Immaculée, a été adaptée et jouée.


 Depuis deux ans qu’il la fréquentait, Annette s’était toujours montrée adorable et faisait son possible pour lui faire plaisir. Comme Annie, pour être honnête. Pourtant, il avait une impression bizarre. Car sa maîtresse, assise en face de lui, le regardait avec une insistance embarrassante. » Vie des gens, vie des bêtes, de malentendu en frustration, de quiproquo en rêverie, de maladie de la bêtise en remèdes désespérés, Léon, Annie, Annette, Maurice, René, Jacky… les protagonistes des nouvelles d’Anna Maria Celli nous entraînent dans les pièges que recèlent les existences ordinaires. Inexorablement, un engrenage aussi médiocre que diabolique métamorphose en pantins grotesques, parfois émouvants, des personnages qui se débattent, et nous ressemblent un peu… En vain.

L’éclosion des pivoines poèmes

Dans la Mythologie grecque, les nymphes se protégeaient des regards indiscrets en couvrant leur nudité de pivoines. Fleurs de pudeur et de honte, elles étaient dotées du pouvoir de guérir toutes sortes de maux, ceux du corps comme ceux de l’âme, et sont toujours utilisées dans les médecines traditionnelles chinoise et japonaise.

Leur éclosion, accompagnée sous l’Antiquité de rituels magiques redoutables, donne son titre au surprenant recueil d’Anna Maria Celli où elle renouvelle avec éclat son art poétique. Ces suites de tercets, sauf une poignée de quatrains et un distique isolé, évoquent des buées de mots cherchant à retrouver l’écho d’une voix perdue, oubliée. Ou des îlots d’écume sur le sable d’une plage. Ou encore des graffitis tracés au rasoir sur un mur vide qui accrochent l’attention. Sentences, images à devinettes, pirouettes du sens, incises mystérieuses et chutes inattendues.

Et puis quatre fois, un long dialogue les interrompt, questions-réponses en déflagration sans pitié entre un homme et une femme. Celle-ci est-elle la femme de la vie de l’homme auquel elle s’affronte ? Leurs entretiens, commencés dans un décor pluvieux comme dans un bar d’avant-guerre en noir et blanc, sont aussi pétris d’énigmes que les espèces de haïkus qui les cernent.

Ce sont des flashes haletants, où des cris en gros plan comme dans le tableau de Munch, déchirent le tissu intime de l’écran. Sont-ils en train de se perdre ou bien rejouent-ils le colloque d’un passé effacé comme dans le poème de Verlaine ? L’irruption de ces scènes ajoute au drame que l’on sent se jouer tout au long de ces pages, celui d’une disparition irrévocablement liée à la floraison empourprée des pivoines.

Pierre Lepère

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